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l’adversaire de la guerre, réfuté par la victoire, semblait impossible, au moins pour longtemps.

Danton avait paru bien autrement habile dans la fameuse séance. Son apologie adroite, d’une bonhomie apparente, n’en avait pas moins eu ce caractère d’audace et de grandeur qui marquait toutes ses paroles. Redoutable politique qui, tout en restant à l’avant-garde de la gauche et le chef des violents, prenait ascendant sur les modérés. C’est là ce qui faisait rêver les Girondins et les remplissait de crainte. Ils croyaient voir Danton toucher à la tyrannie. « Ne l’avez-vous pas vu, disaient-ils, saisir dès le premier jour (lui Danton ! lui ami des plus hardis spoliateurs !) l’initiative de réclamer des garanties pour la propriété, devançant ainsi la droite et nous enlevant le mérite d’exprimer les premiers la pensée publique ? Ce jour aussi, au moment où il quitta le pouvoir, abdiqua, d’une si royale attitude, n’avons-nous pas senti tous qu’il le gardait, ce pouvoir, et ne pouvait plus descendre ? »

Telles étaient les terreurs des Girondins, telle la base des romans incroyables qu’à force d’imagination, de passion, de rêves et de peur, ils se faisaient sur Danton.

C’était au reste un caractère commun des deux côtés de l’Assemblée. L’excès de la passion avait produit le même effet. Tous étaient devenus prodigieusement imaginatifs, soupçonneux, crédules, saisis des moindres lueurs, et, saisis une fois, ils ne retrouvaient plus, dans leur raison ébranlée, assez de force pour