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Marat fut bien plus habile qu’on ne l’aurait attendu ; ses paroles furent parfaitement calculées pour les tribunes. Il glorifia septembre : « Me ferez-vous un crime d’avoir provoqué sur la tête des traîtres la hache vengeresse du peuple ? Non ; si vous l’imputiez à crime, le peuple vous démentirait, car, obéissant à ma voix, il a senti que le moyen que je lui proposais était le seul pour sauver la patrie, et, devenu dictateur lui-même, il a su se débarrasser des traîtres. »

Ce fut une grande surprise pour l’Assemblée, un effet cruel de remarquer que ces paroles exécrables étaient accueillies d’en haut par les assistants avec un murmure flatteur ; elle vit avec horreur que Marat n’était pas seulement à la tribune, mais qu’il était sur sa tête, qu’elle siégeait entre Marat et Marat.

Un des Girondins, plein d’indignation, n’y tint pas et voulut sortir. L’officier de garde lui dit : « Ne sortez pas, je vous prie, ne vous montrez pas, Monsieur. Tous ces gens-là sont pour lui ; s’il est décrété d’accusation, le massacre recommencera ce soir. »

Marat, de plus en plus fier, se prélasse à la tribune : « La dictature ! dit-il, mais Danton, Robespierre, les autres, en ont toujours improuvé l’idée. Elle est mienne ; on a tort d’accuser la députation de Paris ; l’inculpation n’a nulle couleur, si ce n’est parce que j’en suis membre… Oui, moi-même j’ai frémi des mouvements désordonnés du peuple ; j’ai demandé