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avait ordonné de faire tirer les Suisses. Un autre, le colonel Pfyffer, dans son livre publié en 1821, dit que le vieux maréchal de Noailles annonça que le roi lui laissait le commandement et qu’on ne devait pas se laisser forcer. — La reine ne doutait pas que la défense ne fût victorieuse ; elle dit en partant à ses femmes qu’elle laissait : « Nous allons revenir. »

Ceux qui restaient se trouvèrent très diversement affectés du départ du roi. Un officier suisse dit tristement à Rœderer : « Monsieur, croyez-vous donc sauver le roi, en le menant à l’Assemblée ?» Quelques-uns se désespérèrent d’être ainsi abandonnés ; plusieurs arrachèrent leurs croix de Saint-Louis, brisèrent leurs épées.

D’autres, par une disposition contraire, n’ayant plus rien à ménager, plus de roi, de femmes ni d’enfants à protéger, eurent comme une joie furieuse du combat à mort qu’ils allaient livrer. Ils versèrent aux Suisses l’eau-de-vie à pleins verres, et, sans s’amuser à défendre la longue ligne de murailles qui régnait entre les cours et le Carrousel, ils ordonnèrent au concierge de lever les barres de la porte royale. Il les leva en effet, se sauva à toutes jambes. La foule, qui frappait à cette porte, s’y précipita avec une confiance aveugle, s’élança par l’étroite cour, sans remarquer ni les fenêtres de face toutes hérissées de fusils, ni les baraques latérales qui fermaient la cour de droite et de gauche et la regardaient d’un œil louche.

Ceux qui entrèrent étaient ces impatients dont nous avons parlé, ces hommes à piques qui étaient partis