appuyait vers la droite. De là, insatiablement et comme fasciné, il regardait cette terrible Montagne, n’en pouvait détacher les yeux. Il voyait sur ces bancs la fameuse Commune dans ses membres les plus violents, son comité de surveillance, de souvenir néfaste. Les chefs de la Montagne n’étaient pas faits pour rassurer. L’inquisitoriale figure de Robespierre, souffreteux, clignotant, cachant ses yeux ternes sous ses lunettes, était d’un sphynx étrange, qu’on regardait sans cesse malgré soi et qu’on souffrait à regarder. Danton, la bouche torse, demi-homme et demi-taureau, dans sa laideur royale, troublait les cœurs de son masque tragique ; quoi qu’il pût dire ou faire, sa voix, son attitude, semblaient d’un tyran. Ce groupe sombre, où toute passion violente était représentée, portait à son sommet un couronnement bizarre, une vision terrible et ridicule, la tête de Marat. Échappé de sa cave, sans rapport avec la lumière, ce personnage étrange, au visage cuivré, ne semblait pas de ce monde-ci. Il voyait bien l’étonnement des simples et il en jouissait. Le nez au vent, retroussé, vaniteux, aspirant tous les souffles de popularité, les lèvres fades et comme vomissantes[1], prêtes, en
- ↑ Ces lèvres expriment à merveille la facilité triviale, l’abondance d’eaux fades et sales qui lui venaient par torrents. L’admirable portrait de Boze (collection Saint-Albin) donne ce trait essentiel du journaliste intarissable. On ne le retrouve plus dans la grande gravure au burin (du reste excellente) qui a été faite d’après le portrait de Boze.
Quant au désaccord singulier qu’on voit dans les traits de Marat, comme dans ses idées, il tient non pas seulement à son excentricité personnelle, mais peut-être aussi au bizarre mélange de races, absolument inconciliables, qui se