la Convention pour séparer les deux côtés. En vain, plus d’une fois, de la Montagne à la Gironde, Danton tendit sa grande main au nom de la patrie. Les Girondins forcèrent Danton de les perdre, de les livrer à Robespierre, qui emporta Danton et en fut emporté, et la république avec eux.
Tous ces événements terribles vont tomber l’un sur l’autre avec la pesanteur et la rapidité fatale d’une pierre qui descend à l’abîme. À peine un intervalle de quatre mois sépare chacune de ces révolutions, qui, au cours ordinaire des choses, auraient fait des âges du monde. Chaque intervalle, ici, c’est plus d’un siècle… Que dis-je ? J’oubliais le caractère étrange de ce rêve sanglant. Il n’y avait plus ni siècle, ni année, ni mois, ni jour, ni heure… Le temps n’existait plus, le temps avait péri. La Révolution, pour mieux se mettre à l’aise, semblait avoir commencé par exterminer le temps. Libre du temps, elle allait sans compter.
Ce qui crève le cœur, quand on repasse ces destinées tragiques, ce qui est aujourd’hui si clair et si certain, c’est qu’ils se frappèrent sans se connaître ; ils s’ignorèrent profondément.
Ils le savent maintenant, combien leurs accusations mutuelles furent injustes, et, sans doute, ils se sont réconciliés. Il me serait trop dur de croire que ces grands citoyens, morts si jeunes, et quoi qu’ils aient fait, morts enfin pour nous faire cette patrie, n’aient pas eu, par delà la mort, du temps pour se reconnaître, pour entrer dans la lumière