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roi[1], l’enhardir, le pousser à sa perte, est celle des prêtres réfractaires réunis à Angers (9 février 1792). Elle peut passer pour l’acte originaire de la Vendée, elle l’annonce, la prédit audacieusement. On y parle haut et ferme, comme ayant sous la main, pour arme disponible, une jacquerie de paysans. Cette page sanglante semble écrite de la main, du poignard de Bernier, un jeune curé d’Angers, qui, plus que nul autre, fomenta la Vendée, la souilla par des crimes, la divisa par son ambition, l’exploita dans son intérêt.

« On dit que nous excitons les populations !… Mais c’est tout le contraire. Que deviendrait le royaume, si nous ne retenions le peuple ? Votre trône ne s’appuierait plus que sur un monceau de cadavres et de ruines… — Vous savez, Sire, vous ne savez que trop ce que peut faire un peuple qui se croit patriote. Mais vous ne savez pas de quoi sera capable un peuple qui se voit enlever son culte, ses temples et ses autels. »

Il y a, dans cette lettre hardie, un remarquable aveu. C’est le va-tout du prêtre, on le voit, son dernier cri avant la guerre civile. Il n’hésite point à révéler la cause, intime et profonde, de son désespoir, à savoir, la douleur d’être séparé de celles qu’il dirige : « On ose rompre ces communications

  1. Ces lettres (conservées aux Archives nationales, armoire de fer, c. 37, pièces du Procès de Louis XVI) fournissent une grave circonstance atténuante en faveur de l’homme incertain, timoré, dont elles durent torturer l’esprit.