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lande, une sœur qui trotte humblement et tête basse[1].

Je ne vois rien. Seulement j’entrevois entre deux bois une dame à cheval, qui, suivie d’un domestique, va rapide, sautant les fossés, quitte la route et prend la traverse. Elle se soucie peu, sans doute, d’être rencontrée.

Sur la route même chemine, le panier au bras, portant ou des œufs ou des fruits, une honnête paysanne. Elle va vite et veut arriver à la ville avant la nuit.

Mais la sœur, mais la dame, mais la paysanne, enfin, où vont-elles ? Elles vont par trois chemins, elles arrivent au même lieu. Elles vont, toutes les trois, frapper à la porte d’un couvent. Pourquoi pas ? La dame a là sa petite fille qu’on élève ; la paysanne y vient vendre ; la bonne sœur y demande abri pour une seule nuit.

Voulez-vous dire qu’elles y viennent prendre les ordres du prêtre ? Il n’y est pas aujourd’hui. — Oui, mais il y fut hier. Il fallait bien qu’il vînt, le samedi, confesser les religieuses. Confesseur et directeur, il ne les dirige pas seules, mais par elles bien d’autres encore ; il confie à ces cœurs passionnés, à ces langues infatigables, tel secret qu’on veut faire savoir, tel faux bruit qu’on veut répandre, tel signal qu’on veut faire courir. Immobile dans sa retraite, par ces nonnes immobiles, il remue toute la contrée.

  1. Tout ceci n’est nullement un tableau d’imagination. On le verra plus tard.