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gneur, en lui payant cette maison, pouvait l’expulser de la terre.

Le paysan ne s’en croyait pas moins l’homme même de la terre, né avec elle, l’ayant occupée dès Adam, son vrai propriétaire. Ce qui est sûr, c’est qu’il l’avait faite, cette terre, l’avait créée ; sans lui, elle n’existait pas ; c’était la lande aride, le roc et le caillou.

Les antiquaires étaient embarrassés. La Révolution ne le fut pas. Elle ne dénoua pas le nœud, mais le trancha. Elle donna la terre à l’homme congéable et donna congé au seigneur

La décision était-elle légale ? On peut en disputer. Mais elle était chrétienne. Voila bientôt deux mille ans que le christianisme nous dit que le pauvre est membre vivant de Jésus-Christ. Comment peser le droit du pauvre dans une telle doctrine ? Dès qu’on l’essaye, Christ lui-même se met dans la balance et l’emporte du ciel à l’abîme.

La Révolution ne dit pas seulement, elle fit.

Et elle le fit dans une mesure admirable.

Elle consacra la propriété (sous peine de mort, en mars 1793), la propriété, c’est-à-dire le foyer, la fixité des habitudes morales, la féconde accumulation, — réglée, bien entendu, par la loi de l’État, pour l’avantage de l’État et de tous.

Mais, en tout cas douteux, en tout litige entre la propriété et le travail, elle décida pour le travail (base originaire de la propriété, propriété la plus sacrée de toutes).