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qu’on ne lui laissait pas liberté tout entière de régler elle-même ses destinées.

C’était l’embarras de la France à ce moment. Elle avait dit qu’elle ne voulait pas de conquêtes, et elle en faisait malgré elle. Ces peuples disaient tous qu’il ne leur suffisait pas d’être libres ; ils avaient l’ambition d’être Français. La Convention avait une étrange cour ; ses entours étaient assiégés d’hommes de toutes nations, qui venaient intriguer, solliciter… Pourquoi ? Pour devenir Français, pour épouser la France. Se perdre en elle, n’être plus en eux-mêmes, c’était leur aveugle désir. Jamais on ne vit une telle impatience de suicide national ; leur passé leur pesait, leur moi de servitude, ils brûlaient de l’anéantir et de ne vivre plus qu’en cette France aimée, où ils ne voyaient plus une nation, mais une idée sacrée, la liberté, la vie et l’avenir.

La France résistait. « Prenez garde, disait- elle, défiez-vous de ce premier transport… Savez-vous bien ce que c’est que de me suivre dans les grandes choses qui me sont imposées ? Vous donnerez le sang à flots, l’argent… L’impôt sera doublé ou quadruplé. » — Mais ils ne voulaient rien entendre, assurant que la suppression des dîmes, des droits féodaux et de toute espèce de taxe barbare leur créait des ressources immenses, inépuisables, qu’en donnant tout ils ne regrettaient rien ; qu’ils n’avaient rien eu jusqu’ici, pas même leurs personnes ; qu’ils ne rendraient à la liberté, à la France, que ce qu’ils tenaient de la liberté.