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idée de conquête. Cette idée ne lui vint que plus tard et par une sorte de nécessité. Tout ce qu’elle demandait d’abord aux nations délivrées, c’était de rester libres, de bien garder leur droit, d’aimer la France en sœur. On ne peut lire sans attendrissement la touchante et naïve adresse que le philosophe Anacharsis Clootz écrit aux Savoyards (aux Allobroges, comme on disait alors) au nom de la Convention : « La République des conquérants de la liberté vous félicite, amis… Les Allobroges du Dauphiné embrassent ceux du Mont-Blanc… Nous nous aiderons mutuellement à fonder la liberté durable. La seule autorité que la France veuille avoir sur vous, c’est celle des conseils. Quel est son but ? Votre bonheur… Heureux peuple ! En vous rendant libres sans effusion de sang, nous oublions tout ce que nous avons sacrifié. Vous aurez un passage non sanglant des rois aux lois, une révolution bénigne ; elle sera limpide comme vos fleuves et pure comme vos lacs… »

Il y disait encore que c’était une France démembrée qui revenait dans la patrie : « Voyez le morcellement aristocratique de la Suisse, voyez l’égalité, l’unité démocratique de la France. Choisissez. Tout vous prêche l’unité indivisible. La frontière ne serait-elle pas mieux placée au haut des Alpes ? Briançon ne nous gardera-t-il pas mieux, si nous le reportons sur le Saint-Bernard ?… »

La Convention, avec une modération admirable, hésita d’envoyer cette adresse, qui semblait préjuger la réunion de la Savoie, et peut-être lui eût fait croire