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son armée qui suivait lentement, partit au galop pour Chambéry. Tout seul de sa personne, il conquit le pays, entra triomphalement dans cette ville, parmi les cris d’un peuple ivre de joie. Les commissaires de la Convention, qui bientôt le joignirent, furent saisis d’étonnement, profondément émus, en découvrant une France inconnue, une vieille France naïve, qui, dans la langue de Henri IV, bégayait la Révolution. Rien de plus original et de plus touchant que de retrouver là, vivantes, jeunes comme d’hier, toutes nos vieilles histoires. On chante encore, dans la vallée de Chamounix, comme chose nouvelle, la complainte de M. de Biron, mort en 1602… Aimable peuple de saint François de Sales, peuple qui fit Rousseau (qui l’a fait, sinon les Charmettes ?), combien la France lui devait, à ce peuple ! Quelle joie ce fut, et pour l’un et pour l’autre, de se retrouver après tant de siècles ! et quelle fut leur ardente étreinte, aux deux frères réunis sous l’arbre de la liberté !

Du moment que cet excellent peuple apprit que ses libérateurs arrivaient, il n’y eut plus moyen de le retenir. Tout entier, il vint à la rencontre. Ce fut comme un soulèvement universel de la contrée ; les hommes seuls partirent, mais les arbres et les pierres, toute la terre de Savoie eût voulu se mettre en chemin. Une foule immense descendit de toutes les montagnes vers Chambéry, d’un élan spontané, d’un même transport de joie et de reconnaissance. Ces pauvres gens, cruellement étouffés par le Pié-