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ce qu’il était réellement, l’ombre et le néant du passé.

Par un mouvement naturel, tout ce qu’il y avait de gardes nationaux et d’hommes de toutes sortes, se rejetant violemment de ce néant à la réalité vivante, crièrent : « Vive la nation ! »

Décidément la nation ne voulait pas s’égorger elle-même ; ce massacre impie était impossible. Aux réquisitions des officiers municipaux, les gardes nationaux avaient répondu : « Pouvons-nous tirer sur nos frères ? » La vue du roi et des nobles acheva de les décider. Ce fut une désertion universelle. Les canonniers auraient voulu non seulement partir eux-mêmes, mais emmener leurs canons. Ne le pouvant sous le feu des balcons qui les menaçaient, ils rendirent du moins les pièces inutiles en y enfonçant de force un boulet sans charge de poudre ; il eût fallu pour le retirer une opération longue et difficile, impossible au moment où le combat allait commencer.

Le roi remonta essoufflé, échauffé du mouvement qu’il s’était donné, rentra dans la chambre à coucher, s’assit et se reposa. La reine pleurait, sans mot dire ; mais elle se remit très vite, reparut avec le dauphin, courageuse et l’air dégagé, les yeux secs, rouges, il est vrai, jusqu’au milieu des joues. La foule des assistants se trouvait réunie surtout dans la salle du billard, beaucoup montés sur les banquettes, pour voir ce qui allait se passer. M. d’Hervilly, l’épée nue, dit d’une voix haute : « Huissier, qu’on ouvre les portes à la noblesse de France. » L’effet du coup