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de nos vieux camps du temps de César. Vercingétorix se serait cru, à cette vue, en pleine Gaule. Les Allemands avaient fort à songer, quand ils dépassaient, laissaient derrière eux ces camps populaires. Quel serait pour eux le retour ? Qu’aurait été une déroute à travers ces masses hostiles, qui de toutes parts, comme les eaux, dans une grande fonte de neige, seraient descendues sur eux ?… Ils devaient s’en apercevoir : ce n’était pas à une armée qu’ils avaient affaire, mais bien à la France. Ce corps de soixante-dix mille Allemands, qu’était-ce en comparaison ? Il se perdait comme une mouche dans cet effroyable océan de populations armées[1].

Telles étaient leurs pensées, sérieuses en vérité, lorsqu’ils virent s’accomplir, sans avoir pu l’empêcher, la jonction de Dumouriez et de Kellermann. Celui-ci, vieux soudard alsacien de la Guerre de Sept-Ans, fort jaloux de Dumouriez, n’avait nullement suivi ses directions. Il s’était un peu éloigné de lui. Dans la vallée qui séparait les deux camps, le français et le prussien, il s’était posté en avant sur une espèce de promontoire, de mamelon avancé, où était le moulin de Valmy. Bonne position pour le combat, détestable pour la retraite. Kellermann n’eût

  1. Dumouriez ménage habilement son coup de théâtre, supprime les grandes causes du succès, fait ressortir, exagère les plus petits obstacles, par exemple quelques gentilshommes verriers, ou partisans de Condé, qui se trouvaient dans la forêt de l’Argonne. — D’autre part, les Mémoires d’un homme d’État, écrits pour la Prusse par le libraire Schœll sur les notes de Hardenberg, n’oublient rien pour embrouiller ici les choses et sauver l’honneur prussien.