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que du fond de l’Allemagne et restaient en route. La terre de France la rejetait, ne lui donnait rien pour vivre que la terre même. À eux de manger cette terre, de voir quel parti ils pourraient tirer de la craie. Leur armée, avec tous ses équipages royaux, n’en était pas moins désormais comme une procession lugubre qui laissait des hommes sur tous les chemins. Le découragement était extrême. Ils se voyaient engagés dans cette boueuse Champagne, sous une implacable pluie, tristes limaces qui traînaient, sans avancer presque, entre l’eau et l’eau.

Dumouriez, rejoint, le 19, par Kellermann, se trouva fort de soixante-seize mille hommes, plus nombreux que les Prussiens, qui n’en avaient que soixante-dix mille. Ceux-ci, enfoncés en France, ayant laissé de côté Thionville et d’autres places, apprenaient qu’au moment même une armée française était en pleine Allemagne. Custine marchait vers Spire, qu’il prit d’assaut le 19. On l’appelait à Mayence, à Francfort. Une Allemagne révolutionnaire, une France, pour ainsi dire, se dressait inopinément pour donner la main à la France, de l’autre côté du Rhin.

Ici, la population courait au combat d’un tel élan que l’autorité commençait à s’en effrayer et la retenait en arrière. Des masses confuses, à peu près sans armes, se précipitaient vers un même point ; on ne savait comment les loger ni les nourrir. Dans l’Est, spécialement en Lorraine, les collines, tous les postes dominants, étaient devenus autant de camps grossièrement fortifiés d’arbres abattus, à la manière