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rières, on le laissa traîner au blocus de Thionville, on l’envoya sur le Rhin, en Suisse, partout enfin où il était inutile.

Il est intéressant de voir cette armée de la contre-révolution s’acheminer pesamment par Coblentz et Trêves ; belle armée, du reste, bien organisée, riche, surchargée d’équipages magnifiques, d’un train royal, et du train de je ne sais combien de princes. Brunswick, le général en chef, avait dit : « C’est une promenade militaire. » Le roi de Prusse avait quitté ses maîtresses pour venir à la promenade. Sa présence, la conservation de sa précieuse personne eût rendu prudent Brunswick, quand même il ne l’eût pas été. L’essentiel n’était pas de vaincre ; le capital intérêt était de ne pas trop exposer le roi de Prusse, de le ramener sain et sauf. C’est la pensée que le sage Brunswick dut incessamment ruminer, et c’est à quoi se borna le succès de l’expédition.

Brunswick était déjà un homme d’âge ; il était lui-même prince souverain ; c’était un homme prodigieusement instruit, d’autant plus hésitant, sceptique. Qui sait beaucoup doute beaucoup. La seule chose à laquelle il crût, c’était le plaisir. Mais le plaisir, continué au delà de l’âge, énerve non seulement le corps, mais la faculté de vouloir. Le duc était resté brave, savant, spirituel, plein d’idées et d’expérience ; il n’avait perdu qu’une chose, par quoi il était eunuque ; quelle chose ? La volonté.

Dans cette armée de rois, de princes, il y avait entre autres un prince souverain, le duc de Weimar,