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Donne-moi la vie de mon frère. » — La Prusse ainsi dévorera les petits princes allemands, et l’Autriche absorbera sa fidèle alliée, Venise.

Tout cela se verra bientôt. Mais, sans attendre si loin, dans l’année même où nous sommes, en 1792, comment voir sans horreur la scène qui se passait dans le Nord ?… Quant à moi, je ne demande pas d’humanité à l’ours blanc de Russie, pas davantage aux vautours de l’Allemagne… Qu’elle soit mangée, cette Pologne, d’accord, je ne m’en étonnerai pas. Mais que ces bêtes sauvages aient pu prendre des faces d’hommes, des voix douces, des langues mielleuses, cela trouble, cela glace… Qu’avait besoin cette Prusse de s’engager, de promettre, de pousser la Pologne à la liberté ? Quoi ! misérable, pour que, jetée sous la dent de l’ours, elle te donnât Thorn et Dantzig ?… Et quelle chose effroyable aussi de voir la Russie elle-même attester la liberté ! se plaindre de ce que la Pologne n’est pas assez libre ! puis, mêlant la dérision à l’exécrable hypocrisie, accuser tantôt sa victime d’être royaliste, tantôt d’être jacobine !… Enfin ces honnêtes gens vont dire, en 1793, que, dans leur sollicitude pour cette pauvre Pologne, et de peur qu’elle ne se fasse du mal à elle-même, ils croient de son intérêt qu’elle soit resserrée, encore plus, en certaines limites.

C’est en France que la Prusse et l’Autriche devaient trouver leur expiation. Ils entrent en conquérants, et ils s’en vont en voleurs, sans guerre sérieuse ni combat. Quelques volées de boulets et les huées de