Pour qu’on immole sa mémoire, il faut d’abord qu’elle soit pure. Pure doit être la victime, pour être acceptée de Dieu.
Vergniaud, après avoir parlé de la tyrannie de la Commune et montré la France perdue si cette royauté nouvelle n’était renversée : « Ils ont des poignards, je le sais… Mais qu’importe la vie aux représentants du peuple, lorsqu’il s’agit de son salut ?… Quand Guillaume Tell ajusta la flèche pour abattre la pomme fatale sur la tête de son fils, il dit : « Périssent mon nom et ma mémoire, pourvu que la Suisse soit libre !… » Et nous aussi, nous dirons : « Périsse l’Assemblée nationale, pourvu que la France soit libre ! Qu’elle périsse, si elle épargne une tache au nom français ! si sa vigueur apprend à l’Europe que, malgré les calomnies, il y a ici quelque respect de l’humanité et quelque vertu publique !… Oui, périssons, et sur nos cendres, puissent nos successeurs, plus heureux, assurer le bonheur de la France et fonder la liberté ! »
Toute l’Assemblée se leva, tout le peuple des tribunes. Cette génération héroïque se sacrifia, en ce moment, pour celles qui devaient venir. Tous répétèrent d’un seul cri : « Oui ! oui, périssons, s’il le faut… et périsse notre mémoire ! »
Le peuple qui disait ceci méritait de ne pas périr. — Et au moment même il était sauvé. La France gagna, trois jours après, la bataille de Valmy.