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L’Assemblée avait elle-même à craindre autant que personne. Marat demandait chaque jour qu’on égorgeât ces traîtres, ces royalistes, ces partisans de Brunswick. Massacrer la Législative, c’était son texte ordinaire. Le plus étrange, ce qu’on n’eût vraiment jamais deviné, c’est qu’il semblait vouloir déjà égorger la Convention, qui n’existait pas encore. Il recommandait au peuple de bien l’entourer, « d’ôter à ses membres le talisman de l’inviolabilité, afin de pouvoir les livrer à la justice populaire… Il importe, disait-il, que la Convention soit sans cesse sous les yeux du peuple et qu’il puisse la lapider… »

Égorger l’ancienne Assemblée, menacer de mort l’autre qui venait, c’était l’infaillible moyen d’empêcher tout rétablissement de l’ordre, toute résurrection de la puissance publique.

Il se trouva heureusement des députés énergiques qui, peu soucieux de vivre ou mourir, insistèrent avec indignation pour sauver du moins leur honneur, pour repousser l’infâme nom de traître qu’on prodiguait si hardiment aux membres de l’Assemblée. Aubert-Dubayet somma la commission chargée d’examiner les papiers saisis au 10 août de dire s’il en était qui inculpassent véritablement quelqu’un des représentants. L’irréprochable Gohier, membre de cette commission, répondit : Que ces papiers, examinés en présence des commissaires de la Commune, n’avaient rien présenté qui pût porter le moindre soupçon sur aucun des membres de l’Assemblée législative.