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par l’affaire de Duport. Le 13, il publia, avec les lettres de Danton et du comité, celles qu’on avait saisies sur Duport, lettres énigmatiques, d’autant plus propres à piquer la curiosité. Ces lettres, publiées d’abord dans l’Ami du peuple, passèrent dans les autres journaux ; tous saisirent cette occasion de perdre Danton, de le montrer en connivence avec un conspirateur royaliste. Marat le crut frappé à mort. Il lui écrivit alors une lettre injurieuse, outrageante, où il lui annonçait que, de journaux en placards, en affiches, il allait le traîner dans la boue.

Le lion, furieux, sentit sa chaîne, se sentit tiré par le chien… Il ne rugit même pas. Il céda à la circonstance, dévora son cœur, courut à la mairie. Dans le même hôtel, siégeaient l’innocent maire de Paris, Pétion, et la dictature du massacre, le comité de surveillance, Marat et les maratistes. Danton n’alla pas tout droit chez celui qu’il voulait voir, mais d’abord chez Pétion. Il tonna, gesticula, déclama sur la lettre insolente que Marat avait osé lui écrire. — « Eh bien, lui dit Pétion, descendons au comité, vous vous expliquerez ensemble. » — Ils descendent. En présence de Marat, l’orgueil reprit à Danton, il le traita durement. Marat ne démentit rien, soutint ce qu’il avait dit, ajoutant qu’au reste, dans une telle situation, on devait tout oublier. Et alors il lui prit un mouvement de sensibilité, comme il en avait souvent, il déchira la lettre qui avait blessé Danton et se jeta dans ses bras. Danton endura le baiser, sauf à se laver ensuite.