Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait proposé à Danton un moyen très simple de changer d’un coup toute la situation : c’était d’arrêter Marat. Remède radical, héroïque. Seulement il risquait de produire une violente réaction. Arrêter Marat, c’était exécuter le décret d’accusation que le parti fayettiste, royaliste constitutionnel, avait fait lancer contre lui. C’était se faire accuser de complicité avec La Fayette, c’était relever l’espérance des royalistes, commencer un mouvement qui pouvait mener infiniment loin. Le vent va vite, en ces moments ; la tempête une fois déchaînée en sens inverse, les royalistes constitutionnels triomphaient dès le premier jour, dans huit jours les royalistes purs, huit jours après les Prussiens. — Danton répondit que, plutôt que de faire arrêter Marat, il donnerait sa démission.

Brissot, à son tour, alla chez Danton, le pressa vivement d’agir. « Comment, lui dit-il, empêcher que des innocents ne périssent avec les autres ?… — Il n’y en a pas un », dit Danton.

L’autorité se retirant ainsi d’une manière absolue, la situation ne pouvait changer que par une manifestation vigoureuse de l’indignation du peuple. Elle n’osa se produire le 5 et n’éclata que le 6. Ce jour même, il y avait eu encore des meurtres. Pétion s’était rendu dans le conseil général, et s’élevait contre les agitateurs qui demandaient de nouvelles victimes. Des applaudissements confus éclatèrent, puis des voix distinctes exprimant l’assentiment le plus décidé, enfin des cris de fureur contre les