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aucune prise d’armes. Et comment eût-il donné un tel ordre, lorsque son beau-frère Panis faisait asseoir au comité dirigeant Marat, l’apôtre du massacre ?… Ce fut un spectacle étrange de voir Santerre, brusquement converti, prêcher, dans la grande salle de l’Hôtel de Ville, la foule qui remplissait les tribunes, expliquer les avantages de l’ordre, le danger qu’il y aurait à croire trop légèrement des accusations peu sûres, à tuer avant de s’éclairer.

La Commune, privée si longtemps de la présence de Danton, le vit avec étonnement venir enfin le 4 au soir ; il venait protéger Roland, qui, à cette heure, certainement, n’avait plus besoin de protection. Il demanda qu’on révoquât cet étrange mandat d’amener qu’on avait minuté le 2 contre le ministre de l’intérieur, et qu’on tenait toujours suspendu comme un glaive sur sa tête, sans oser le laisser tomber.

Le vent n’était plus au massacre, chacun en avait horreur. Et pourtant il continuait. On vit alors combien lentement les âmes, une fois brisées, reprennent courage et force. Une étrange léthargie, une paralysie inexplicable enchaînait les masses. Il y avait encore une cinquantaine d’hommes à l’Abbaye, autant au moins à la Force, qui tuaient paisiblement. Personne n’osait les déranger. Ils ne tuaient pas beaucoup, ceux de l’Abbaye ayant fait place nette, n’ayant plus d’autres victimes que celles que le comité de surveillance eut soin de leur envoyer. Quant à la Force, les magistrats ne se permettaient pas de trou-