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infortunées trouveraient dans leurs pères ou leurs frères, vainqueurs par la Révolution, non pas des libérateurs, mais des assassins ?

Rien ne fait mieux sentir l’aveuglement, l’imbécillité qui présida aux massacres. Tels de ceux qui tuèrent au hasard dans ces deux hospices, pouvaient avoir leur père à Bicêtre parmi les mendiants, leur mère à la Salpêtrière : c’était le pauvre qui tuait le pauvre, le peuple qui égorgeait le peuple… Il n’y a nul autre exemple d’une rage si insensée.

Les premières bandes qui menacèrent Bicêtre étaient peu nombreuses. Les malades et les prisonniers se mirent en défense. De là le bruit calomnieux, propre à les faire égorger, qu’ils étaient en pleine révolte. Les massacreurs menèrent des canons pour les forcer. Une partie n’alla pas jusqu’à Bicètre ; ils s’arrêtèrent devant la Salpêtrière, eurent l’horrible fantaisie d’entrer à l’hospice des femmes. Une force militaire considérable les arrêta le premier jour ; mais le lendemain, 4 septembre, ils forcèrent les portes et commencèrent à tuer cinq ou six vieilles femmes sans nulle raison ni prétexte, sinon qu’elles étaient vieilles. Puis ils se jetèrent sur les jeunes, les filles publiques, en tuèrent trente[1], dont ils jouirent, avant ou après la mort. Et ce ne fut pas assez ; ils allèrent aux dortoirs des petites orphelines, en violèrent plusieurs, dit-on,

  1. Ceci d’après la tradition… Tallien, très bien instruit, comme secrétaire de la Commune, soutient dans son apologie que, dans tous les massacres, il ne périt qu’une femme, Mme  de Lamballe.