Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et traités plus cruellement encore, battus tous les jours. La plupart n’étaient là que pour des délits bien légers ; plusieurs n’avaient d’autres crimes que d’avoir des parents très durs, une mauvaise belle-mère, que sais-je ? D’autres, qui étaient orphelins, apprentis, petits domestiques, avaient été jetés là sur un simple mot de leurs maîtres. On préférait ces orphelins pour le service domestique, parce qu’on les traitait absolument comme on voulait. Un grand seigneur, qui ne trouvait pas son jockey assez docile, le brisait d’un mot : « Bicêtre. » Aux colonies, dans les plantations, on entend les coups, les cris et les fouets ; le maître participe au supplice, par la peine de l’entendre. Les voluptueux hôtels de Paris n’entendaient rien de semblable. Le maître épargnait ses mains et sa sensibilité ; il envoyait l’enfant à la Correction. Ce qu’il y endurait de la part de ces démons, les murs seuls l’ont su. Si l’on daignait le retirer, il revenait dompté, tremblant ; le cœur bas, menteur et flatteur, prêt à tous les caprices honteux.

S’il était un lieu que la Révolution dût épargner, c’était ce lieu de pitié. Qu’était-ce que Bicêtre, que la Salpêtrière, ce grand Bicêtre des femmes, sinon le véritable enfer de l’Ancien-Régime, où l’on pouvait mieux le prendre en horreur, y trouvant réuni tout ce qu’il y avait de barbarie, de hontes et d’abus ? Qui aurait cru que ces fous furieux qui massacraient en septembre iraient se ruer sur ceux que l’Ancien-Régime avait déjà si cruellement torturés, que ces victimes