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mêlaient aux meurtriers, croyant surprendre sur elle quelque honteux mystère qui confirmât les bruits qui avaient couru. On arracha tout, et robe, et chemise ; et nue, comme Dieu l’avait faite, elle fut étalée au coin d’une borne, à l’entrée de la rue Saint-Antoine. Son pauvre corps, très conservé relativement (elle n’était plus très jeune), témoignait plutôt pour elle ; sa petite tête d’enfant, plus touchante dans la mort, disait trop son innocence ou du moins faisait bien voir qu’elle n’avait pu guère faillir que par obéissance ou faiblesse d’amitié.

Ce lamentable objet resta de huit heures à midi sur le pavé inondé de sang. Ce sang, qui coulait par fontaines de ses nombreuses blessures, venait de moment en moment la couvrir, la voiler aux yeux. Un homme s’établit auprès pour étancher le flot ; il montrait le corps à la foule : « Voyez-vous comme elle était blanche ! Voyez-vous la belle peau ! » Il faut remarquer que ce dernier caractère, bien loin d’exciter la pitié, animait la haine, étant considéré comme un signe aristocratique. Ce fut un de ceux qui, dans le massacre, aidaient le plus les meurtriers dans leurs étranges jugements sur ceux qu’ils allaient tuer. Ce mot : Monsieur de la peau fine, était un arrêt de mort.

Cependant, soit pour augmenter la honte et l’outrage, soit de peur que l’assistance ne s’attendrît à la longue, les meurtriers se mirent à défigurer le corps. Un nommé Grison lui coupa la tête ; un autre eut l’indignité de la mutiler au lieu même que tous