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C’était un tas de corps tout nus, tout blancs, dépouillés, qu’on avait amoncelés. C’est là-dessus qu’il fallait mettre la main et prêter serment : cette épreuve fut trop forte. Elle se détourna et poussa ce cri : « Fi l’horreur ! »

Il y avait, sans nul doute, dans les meurtriers, de furieux fanatiques qui, après avoir tant tué d’inconnus, d’innocents, s’indignaient de voir celle-ci, la plus coupable, à leur sens, l’amie et la confidente de la reine, qui allait être épargnée. Pourquoi ? Parce qu’elle était princesse, qu’elle était très riche et qu’il y avait beaucoup à gagner sans doute à la tirer de là. On assure qu’en effet des sommes considérables avaient été distribuées entre ceux qui se faisaient fort de la sauver du massacre.

La lutte, selon toute apparence, se trouvait engagée pour elle entre les mercenaires et les fanatiques. L’un des plus enragés, un petit perruquier, Charlat, tambour dans les volontaires, marche à elle et, de sa pique, lui fait sauter son bonnet ; ses beaux cheveux se déroulent et tombent de tous côtés. La main maladroite ou ivre qui lui avait fait cet outrage tremblait, et la pique lui avait effleuré le front ; elle saignait. La vue du sang eut son effet ordinaire : plusieurs se jetèrent sur elle ; l’un d’eux vint par derrière et lui lança une bûche ; elle tomba et à l’instant fut percée de plusieurs coups. Elle expirait à peine que les assistants, par une indigne curiosité, qui fut peut-être la cause principale de sa mort, se jetèrent dessus pour la voir. Les observateurs obscènes se