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Deux membres de la Commune présidèrent au massacre de la Force (Hébert, Lhuillier, Chépy ? on varie sur quelques noms). S’ils voulaient sauver des victimes, leur tâche semblait plus facile que celle des juges de l’Abbaye. La Force contenait moins de prisonniers politiques. Les massacreurs étaient moins nombreux, les spectateurs moins animés. La population du quartier regardait froidement et ne prenait nulle part à la chose. En récompense, les juges étaient loin d’avoir l’autorité de Maillard ; ils ne dominèrent pas les massacreurs, mais furent dominés par eux, furent plutôt leurs instruments et sauvèrent peu de personnes.

« Laisser faire, laisser tuer », c’était, ce semble, le 3 au matin, la pensée de la Commune. Elle reçut à cette heure quelques hommes des Quinze-Vingts, qui, parlant comme s’ils avaient pouvoir de leur section, demandaient non seulement la mort des conspirateurs, mais aussi l’emprisonnement des femmes des émigrés. L’emprisonnement, dans un tel jour, ressemblait beaucoup à la mort. La Commune n’osa dire : « Non », et répondit lâchement : « Que les sections pouvaient prendre dans leur sagesse les mesures qu’elles jugeraient indispensables. »

Manuel et Pétion, qui se rendirent à la Force pour essayer d’intervenir, virent avec horreur leurs collègues de la Commune siéger en écharpe et légaliser la tuerie. Manuel voulut sauver du moins la dernière femme qui restât à la Force, Mme  de Lamballe, et ne se retira que lorsqu’il crut avoir assuré son salut.