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crime. Le succès était encore trop obscur. Nous verrons par quels degrés Danton en vint à l’adopter, à le revendiquer.

Les choses furent ainsi laissées à la fatalité, au hasard, au terrible crescendo que le crime en liberté suit inévitablement.

Dès la nuit du 3 au 4, on put s’apercevoir que le massacre irait changeant de caractère, qu’il ne garderait pas l’aspect d’une justice populaire, sauvage, mais désintéressée, qu’on croyait lui donner d’abord.

Les massacreurs, nous l’avons vu, étaient mêlés d’éléments divers, qui, le premier jour, indistincts et contenus l’un par l’autre, éclatèrent ensuite ; le pire alla l’emportant. Il y avait des gens payés ; il y avait des gens ivres et des fanatiques ; il y avait des brigands ; ceux-ci peu à peu surgirent.

Sauf les cinquante et quelques bourgeois qui tuèrent à l’Abbaye et sans doute s’en éloignèrent peu, les autres (en tout deux ou trois cents) allèrent de prison en prison, s’enivrant, s’ensanglantant, se salissant de plus en plus, parcourant en trois jours une longue vie de scélératesse. Le massacre, qui, le 2, fut pour beaucoup un effort, devint, le 3, une jouissance. Peu à peu le vol s’y mêla. On commença de tuer des femmes. Le 4, il y eut des viols, on tua même des enfants.

Le commencement fut modeste. Dans la soirée du 2 ou la nuit du 2 au 3, plusieurs de ceux qui tuaient à l’Abbaye, n’ayant ni bas ni souliers, regardèrent avec envie les chaussures des aristocrates.