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teurs, des curieux, trompait partout là-dessus. Les massacreurs, en commençant, n’étaient pas cinquante ; et, quelques recrues qu’ils fissent, ils n’allèrent jamais qu’à trois ou quatre cents. L’Abbaye fut comme leur quartier général ; ils y travaillèrent trois jours, et c’est de là que la plupart allèrent aux diverses prisons, le 2 aux Carmes, au Châtelet, à la Conciergerie, le 3 à la Force, aux Bernardins, à Saint-Firmin. Le 4, ils sortirent en grand nombre de Paris et firent l’expédition de la Salpêtrière, le sac de Bicêtre.

Mais les imaginations ne calculèrent pas ainsi ; Chabot, présent à l’Abbaye, avait cru voir dix mille sabres. Les absents en virent cent mille.

La contagion des fureurs populaires est parfois si grande et si rapide qu’on pouvait croire en effet que la première étincelle ferait un grand embrasement. La masse des volontaires, dont personne ne savait le nombre, n’allait-elle pas se mettre en mouvement, livrer bataille aux prisons, puis à l’Assemblée peut-être, puis, d’hôtel en hôtel, aux aristocrates ?… On ne pouvait le deviner. S’il en était ainsi, que faire ? Quelle force leur opposer ? À moins qu’on n’appelât au secours les royalistes, autrement dit l’ennemi, à moins qu’on n’ouvrît le Temple, qu’on ne défît le 10 août.

À une heure du matin (le 3), des commissaires de la Commune vinrent donner des nouvelles du massacre aux quelques députés qui, à cette heure avancée de la nuit, représentaient seuls l’Assemblée