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leur faire voter une telle mesure, tellement extralégale, c’est qu’il y était certainement autorisé par le conseil des ministres. Le ministre de la guerre était présent à cette réunion.

C’était la plus sage mesure qu’on pût prendre dans la situation. Elle pouvait calmer les cœurs et elle augmentait l’élan militaire. Qu’est-ce qui troublait ceux qui partaient ? Ce n’était pas le départ même, c’était généralement l’abandon, le dénuement où ils laissaient leurs familles. Eh bien, la patrie était là, qui les recevait et les adoptait ; dans le déchirement du départ, cette femme éplorée, ces enfants, ils ne sortaient des bras d’un père que pour tomber aux bonnes mains maternelles de la France. Qui ne serait parti alors d’un cœur héroïque et paisible, dans la sérénité courageuse où l’homme embrasse d’avance volontiers la vie, volontiers la mort ?

Cette mesure prise le 1er septembre eût eu d’excellents effets. Le 2, elle était tardive. Elle ne fut connue que le 3, fut à peine remarquée.

Le 2 au soir, pendant qu’on discute ainsi chez Pétion les moyens possibles de calmer le peuple, le massacre continue aux Carmes et à l’Abbaye. Aux Carmes, on avait tué d’abord les évêques et vingt-trois prêtres, réfugiés dans la petite chapelle qui est au fond du jardin. D’autres qui fuyaient par tout le jardin ou tâchaient de passer par-dessus les murs, étaient poursuivis, tirés, avec des risées cruelles. À l’Abbaye, on massacrait une trentaine de Suisses et autant de gardes du roi. Nul moyen de les sauver.