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Un prisonnier qui avait une canne, soit instinct de la défense, soit mépris pour ces misérables qui frappaient des gens désarmés, lança à l’un d’eux un coup de canne au visage. Il fournit ainsi le prétexte qu’on attendait. Plusieurs furent tués dans les voitures mêmes ; les autres, comme on va le voir, en descendant à la cour de l’Abbaye. Ce premier massacre eut lieu, non dans la cour de la prison, mais dans celle de l’église (aujourd’hui la rue d’Erfurth), où l’on fit entrer les voitures.

Il n’était pas loin de trois heures. À quatre, le conseil général de la Commune rentra en séance, sous la présidence de Huguenin. Le comité de surveillance avait hâte de faire accepter, légaliser par le conseil général l’effroyable initiative qu’il venait de prendre. Il l’obtint indirectement, et non sans adresse. Il demanda, obtint : Qu’on protégeât les prisonniers… détenus pour dettes, mois de nourrice et autres causes civiles. Protéger seulement cette classe de prisonniers, c’était dire qu’on ne protégeait pas les prisonniers politiques, qu’on les abandonnait, qu’on les livrait à la mort, et que ceux qui étaient morts, on les jugeait bien tués.

Le coup de maître eût été d’avoir aussi pour le massacre une autorité individuelle, immense dans un tel moment, supérieure à celle d’aucun corps, l’autorité de Danton. De bonne heure la Commune lui avait écrit de venir à l’Hôtel de Ville ; mais il ne paraissait pas. Ce fut un grand étonnement, lorsque, vers cinq heures, le conseil général vit entrer le ministre