Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.

personne ou presque personne dans les rues. Le faubourg Saint-Antoine, en particulier, était silencieux. La population dormait, en attendant le combat.

Et pourtant le bruit avait couru dans la soirée qu’une colonne envoyée des Tuileries allait marcher vers l’Hôtel de Ville. On craignait une surprise. De fortes patrouilles de garde nationale allaient et venaient dans le faubourg. Toutes les fenêtres étaient illuminées. Tant de lumières pour une si belle nuit, ces lumières solitaires pour n’éclairer personne, c’était d’un effet étrange et sinistre. On sentait assez que ce n’était pas là l’illumination d’une fête.

Quelle était la pensée forte et calme sur laquelle dormait le peuple et qui servit d’oreiller à tant d’hommes dont cette nuit fut la dernière ? Un des combattants du 10 août, qui vit encore, me l’a expliquée nettement : « On voulait en finir avec les ennemis publics ; on ne parlait ni de république ni de royauté ; on parlait de l’étranger, du comité autrichien qui allait nous l’amener. Un riche boulanger du Marais, qui était mon voisin, met dit sous le feu le plus vif, dans la cour des Tuileries : « C’est grand péché pourtant de tuer ainsi des chrétiens ; mais, enfin, c’est autant de moins pour ouvrir la porte à l’Autriche ! »

Le 10 août, répétons-le, fut un grand acte de la France. Elle périssait, sans nul doute, si elle n’eût pris les Tuileries.

La chose était fort difficile. Elle ne fut nullement exécutée, comme on l’a dit, par un ramas de popu-