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à garder la dictature, s’il le fallait, par un massacre. Tallien ne parlait que des prêtres ; mais Marat, qui du moins eut toujours le mérite de la clarté, demandait dans ses affiches qu’on massacrât de préférence l’Assemblée nationale.

Il était deux heures de nuit ; la bande qui représentait le peuple et qui suivait Tallien, demanda à défiler dans la salle, « pour voir, disaient-ils, les représentants de la Commune », affectant de croire qu’ils étaient en péril dans le sein de l’Assemblée. Celle-ci se montra très ferme, fit dire qu’on n’entrerait pas. « Alors donc, disait l’orateur de la bande, sur un ton niaisement féroce, alors nous ne sommes pas libres. » L’effet fut juste le contraire de celui qu’on avait cru. L’Assemblée se souleva, se montra prête à prendre des mesures sévères, hardies, et le procureur de la Commune, Manuel, crut prudent de calmer cette indignation en faisant arrêter le malencontreux orateur.

Le lendemain, Huguenin, président de la Commune, vint amuser l’Assemblée par un mot illusoire de réparation. Le but était probablement de couvrir ce que préparaient les meneurs. Convaincus fermement qu’eux seuls pouvaient sauver la patrie, ils voulaient assurer leur réélection par la terreur. Le massacre était dès lors résolu dans leur esprit.

Il n’était pas nécessaire d’ordonner, il suffisait de laisser Paris dans l’état de sourde fureur qui couvait au fond des masses. Cette grande foule d’hommes qui, du matin au soir, les bras croisés, le ventre vide,