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Rousseau. Et sa parenté avec Diderot est tout extérieure ; il est nerveux et positif, Diderot enflé et vague. Répétons-le, cette parole ne fut pas une parole, ce fut l’énergie de la France devenue visible, un cri du cœur de la patrie !

Le nom tragique de Danton, quelque souillé, défiguré qu’il ait été par lui-même ou par les partis, n’en restera pas moins au fond des chers souvenirs et des regrets de la France. Ah ! comment s’arracha-t-elle celui qui avait formulé sa foi dans son plus terrible jour ?… Lui-même se sentait sacré et ne voulut pas croire à la mort. On sait ses paroles quand on l’avertit du danger : « Moi, on ne me touche pas, je suis l’Arche. » Il l’avait été, en effet, en 1792 ; et comme l’Arche qui contenait la foi d’Israël, il avait alors marché devant nous…

Danton n’a jamais eu qu’un accusateur sérieux, c’est lui-même. On verra plus tard les motifs étranges qui ont pu lui faire revendiquer pour lui les crimes qu’il n’avait pas faits. Ces crimes sont incertains, improbables, quoi qu’ait dit la ligue des royalistes et robespierristes, unis contre sa mémoire. Ce qui est plus sûr, c’est qu’il eut l’initiative de plusieurs des grandes et sages mesures qui sauvèrent la France ; et ce qui ne l’est pas moins, c’est qu’il eut à la fin, avec son ami, le grand écrivain de l’époque, le pauvre Camille, l’initiative aussi des réclamations de l’humanité[1].

  1. Les faits eux-mêmes vont se charger de caractériser Danton, en divers sens, dans cette grande et terrible crise. Nous n’anticiperons pas. Qu’on nous