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la génération, et qu’on n’enfante pas pour soi, mais pour la patrie… Et, arrivé là, il s’éleva tout à coup, ne parla plus pour personne, mais (il semblait) pour lui seul… Tout son cœur, dit-on, lui sortit de la poitrine, avec des paroles d’une tendresse violente pour la France… Et, sur ce visage étrange, brouillé de petite vérole et qui ressemblait aux scories du Vésuve ou de l’Etna, commencèrent à venir de grosses gouttes, et c’étaient des larmes. Ces femmes n’y purent tenir ; elles pleurèrent la France au lieu de pleurer leurs enfants, et, sanglotantes, s’enfuirent, en se cachant le visage dans leur tablier.

Danton fut, il faut le dire, dans ce moment sublime et sinistre, la voix même de la Révolution et de la France ; en lui elle trouva le cœur énergique, la poitrine profonde, l’attitude grandiose qui pouvait exprimer sa foi. Qu’on ne dise pas que la parole soit peu de chose en de tels moments. Parole et acte, c’est tout un. La puissante, l’énergique affirmation qui assure les cœurs, c’est une création d’actes ; ce qu’elle dit, elle le produit. L’action est ici la servante de la parole ; elle vient docilement derrière, comme au premier jour du monde : Il dit, et le monde fut.

La parole chez Danton, nous l’expliquerions si c’était ici le lieu de le dire, est tellement une action, tellement une chose héroïque (sublime et pratique à la fois), qu’elle sort de toute classification littéraire. Lui seul alors ne dérive pas de