Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui serait versé et la mort de leurs enfants, le maudissant, priant Dieu que tout retombât sur sa tête. Lui, il ne s’étonna pas ; et, quoiqu’il sentît tout autour de lui les ongles, il se retourna brusquement, regarda ces femmes, les prit en pitié ; Danton avait beaucoup de cœur. Il monta sur une borne, et, pour les consoler, il commença par les injurier dans leur langue. Ses premières paroles furent violentes, burlesques, obscènes. Les voilà tout interdites. Sa fureur, vraie ou simulée, déconcerte leur fureur. Ce prodigieux orateur, instinctif et calculé, avait pour base populaire un tempérament sensuel et fort, tout fait pour l’amour physique, où dominait la chair, le sang. Danton était d’abord, et avant tout, un mâle ; il y avait en lui du lion et du dogue, beaucoup aussi du taureau. Son masque effrayait ; la sublime laideur d’un visage bouleversé prêtait à sa parole brusque, dardée par accès, une sorte d’aiguillon sauvage. Les masses, qui aiment la force, sentaient devant lui ce que fait éprouver de crainte, de sympathie pourtant, tout être puissamment générateur. Et puis, sous ce masque violent, furieux, on sentait aussi un cœur ; on finissait par se douter d’une chose, c’est que cet homme terrible, qui ne parlait que par menaces, cachait au fond un brave homme… Ces femmes ameutées autour de lui sentirent confusément tout cela ; elles se laissèrent haranguer, dominer, maîtriser ; il les mena où et comme il voulut. Il leur expliqua rudement à quoi sert la femme, à quoi sert l’amour,