ni la Julie ni la Sophie, c’était Madame Roland, une fille de Rousseau certainement, plus légitime encore peut-être que celles qui sortirent immédiatement de sa plume. Celle-ci n’était pas comme les deux autres une noble demoiselle. Manon Phlipon, c’est son nom de fille (j’en suis fâché pour ceux qui n’aiment pas les noms plébéiens), eut un graveur pour père, et elle gravait elle-même dans la maison paternelle. Elle procédait du peuple, on la voyait aisément à un certain éclat de sang et de carnation qu’on a beaucoup moins dans les classes élevées ; elle avait la main belle, mais non pas petite, la bouche un peu grande, le menton assez retroussé, la taille élégante, d’une cambrure marquée fortement, une richesse de hanches et de sein que les dames ont rarement.
Elle différait encore en un point des héroïnes de Rousseau, c’est qu’elle n’eut pas leurs faiblesses. Madame Roland fut vertueuse, nullement amollie par l’inaction, la rêverie où languissent les femmes ; elle fut au plus haut degré laborieuse, active ; le travail fut pour elle le gardien de la vertu. Une idée sacrée, le devoir, plane sur cette belle vie, de la naissance à la mort ; elle se rend ce témoignage au dernier moment, à l’heure où l’on ne ment plus :
neuf ans. Elle est forte et déjà un peu maman, si on ose le dire, très sereine, ferme et résolue, avec une tendance visiblement critique. Ce dernier caractère ne tient pas seulement à sa polémique révolutionnaire ; mais tels sont en général ceux qui ont lutté, qui ont peu donné au plaisir, qui ont contenu, ajourné la passion, qui n’ont pas eu enfin leur satisfaction en ce monde.