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vint plus tard dans le péril de Louis XVI ; elle s’offrit à le défendre. Elle savait en faisant cette offre où cela devait la conduire. Elle-même avait dit cette belle parole, en réclamant les droits des femmes : « Elles ont bien le droit de monter à la tribune puisqu’elles ont le droit de monter à l’échafaud[1]. »

Cette ardente Languedocienne avait organisé plusieurs sociétés de femmes. Ces sociétés devenaient nombreuses. Au Cercle social, vaste réunion mêlée de femmes et d’hommes, une Hollandaise distinguée, Mme Palm-Aelder, demanda solennellement pour son sexe l’égalité politique. Elle fut soutenue, appuyée dans cette thèse par l’homme certainement le plus grave de l’époque, qui lui-même plus que personne trouvait dans la femme les inspirations de la liberté. Parlons-en avec détail.

Le dernier des philosophes du grand dix-huitième siècle, celui qui survivait à tous pour voir leurs théories lancées dans le champ des réalités, était M. de Condorcet, secrétaire de l’Académie des Sciences, le successeur de d’Alembert, le dernier correspondant de Voltaire, l’ami de Turgot. Son salon

  1. Qui se souviendra des galanteries, des ridicules de cette femme charmante, en présence de sa destinée ?… Elle flotta toute sa vie à la merci de son cœur ; mais ce cœur était bon et généreux. Elle n’avait que le nécessaire, et pour l’impôt patriotique elle donna le quart de son revenu et le produit d’un de ses drames. Bernardin de Saint-Pierre lui écrit : « Vous êtes un ange de paix. » On frémit au souvenir des insultes que lui firent les barbares de la Terreur. Au tribunal révolutionnaire, chose effroyable, elle fut reniée de son fils. Elle dit sur l’échafaud : « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort ! »