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de l’idée pure ; plus d’idoles, nul autre objet de religion que l’idéal, la patrie, la liberté.

Les femmes, moins gâtées que nous par les habitudes sophistiques et scolastiques, marchent bien loin devant les hommes, dans ces deux religions. C’est une chose noble et touchante, de voir parmi elles non seulement les pures, les irréprochables, mais les moins dignes même, suivre un noble élan vers le beau désintéressé, prendre la patrie pour une amie de cœur, pour amant le droit éternel.

Les mœurs changent-elles alors ? Non, mais l’amour a pris son vol vers les plus hautes pensées. La patrie, la liberté, le bonheur du genre humain, ont envahi les cœurs des femmes. La vertu des temps romains, si elle n’est dans les mœurs, est dans l’imagination, dans l’âme, dans les nobles désirs. Elles regardent autour d’elles où sont les héros de Plutarque ; elles les veulent, elles les feront. Il ne suffit pas, pour leur plaire, de parler Rousseau et Mably. Vives et sincères, prenant les idées au sérieux, elles veulent que les paroles deviennent des actes. Toujours elles ont aimé la force. Elles comparent l’homme moderne à l’idéal de force antique qu’elles ont devant l’esprit. Rien peut-être n’a plus contribué que cette comparaison, cette exigence des femmes, à précipiter les hommes, à hâter le cours rapide de notre Révolution.

Cette société était ardente ! Il nous semble, en y entrant, sentir une brûlante haleine.

Nous avons vu, de nos jours, des actes extraor-