Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/565

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il se tournât, il ne pouvait éviter de voir son image. On parla des Marseillais et de la Révolution. Robespierre se vanta d’en avoir hâté le cours et, plus que personne, amené la crise où l’on arrivait. Mais n’allait-elle pas s’arrêter, cette Révolution, si l’on ne prenait un homme très populaire pour en diriger le mouvement ?… « Non, dit brutalement Rebecqui, pas de dictateur, pas plus que de roi. » Ils sortirent bientôt, mais Panis, qui les avait amenés, ne les lâcha pas : « Vous avez mal saisi la chose, dit-il. Il s’agissait uniquement d’une autorité d’un moment. Si l’on suivait cette idée, nul plus digne que Robespierre. »

Tout le monde, d’après la vieille routine, croyait que le mouvement aurait lieu un dimanche, le 5 ou le 12. Donc, le samedi 4 au soir, deux jeunes Marseillais vont à la mairie. Ils trouvent au bureau Sergent et Panis. Ces jeunes gens étaient admirables d’élan, de courage, d’impatience et de douleur. Ils voyaient venir le jour du combat et n’avaient rien dans les mains pour le soutenir. L’un d’eux criait : « De la poudre ! des cartouches ! ou je me brûle la cervelle !… » Il tenait un pistolet et l’approchait de son front.

Sergent, homme tout spontané, qui avait le cœur d’un artiste, d’un Français, sentit que c’était là peut-être le vrai cri de la patrie. Pour réponse, il se mit à pleurer ; son émotion entraîna Panis. Ils jouèrent leur tête sur ce coup de dé, signèrent l’ordre (qui eût été celui de leur mort, si la France n’eût vaincu),