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Quoi qu’il en soit, la scène fut bizarre autant qu’imprévue. D’un même élan, le côté droit, le côté gauche, se mêlèrent, s’embrassèrent ; les rangs supérieurs descendirent, la Montagne se jeta dans la Plaine. On vit siéger ensemble Feuillants et Jacobins, Merlin près de Jaucourt et Gensonné près de Vaublanc. Ces effusions naïves ne doivent pas surprendre. La France est un pays où le bon cœur éclate par accès, dans les plus violentes discordes. Ne vit-on pas, une heure avant la meurtrière bataille d’Azincourt, nos chevaliers, nos barons, divisés par tant de haines, se demander pardon et s’embrasser ? Ici, de même, à la veille de la sanglante bataille de la Révolution, ceux-ci un moment s’attendrirent, dirent adieu à la paix, donnèrent à la nature, à l’humanité, aux plus regrettables sentiments de l’âme, ce dernier embrassement.

Cela changea bien vite et se refroidit fort quand une lettre de Pétion apprit à l’Assemblée qu’il était suspendu par arrêté du directoire de Paris, et que le directoire ordonnait des poursuites pour l’affaire du 20 juin. On commença à voir que la scène arrangée habilement par Lamourette n’était qu’une ruse de guerre, un moyen d’entraver l’Assemblée et de lui faire ajourner la grande mesure populaire qu’on redoutait : la déclaration du danger de la patrie.

Et la suspension fut confirmée, publiée par une proclamation du roi, qu’il envoya à l’Assemblée.

Cependant la population s’émouvait pour son