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Il fait clair de bonne heure en juin. Dès cinq heures du matin, les rassemblements étaient considérables aux deux faubourgs. Les municipaux, en écharpe, les haranguaient en vain. Cette foule, mal armée, de sabres, de piques ou de bâtons, mêlée d’hommes, d’enfants et de femmes, n’était nullement hostile ni violente. C’est le témoignage exprès d’une foule de témoins. Généralement ils avaient pris des armes et des canons par prudence et pour leur sûreté, de peur, disaient-ils, qu’on ne tirât sur eux. Ils craignaient qu’il n’y eût quelque piège aux Tuileries, quelque embuscade démasquée tout à coup de cet antre de la royauté. « Nous ne voulons faire de mal à personne, disaient-ils aux municipaux, nous ne faisons pas une émeute. Nous voulons seulement, comme les autres ont fait, présenter une pétition. On les a bien reçus ; nous, pourquoi nous exclure ?… » Puis tous, hommes et femmes, ils les entouraient en cercle et leur disaient cordialement : « Eh bien, Messieurs, venez donc avec nous, mettez-vous à notre tête ! »

La colonne principale, partie des Quinze-Vingts, avec le peuplier que l’on devait planter, avait en tête une troupe d’invalides, pour chef Santerre, et un fort de la Halle (on sait que c’était Saint-Huruge).

Arrivés à la place Vendôme, et traversant la rue Saint-Honoré, ils se trouvèrent en face d’un poste de gardes nationaux qui leur ferma le passage des Feuillants, l’accès de l’Assemblée. Le torrent, grossi sur la route, était alors d’environ dix mille hommes ;