Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/469

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un tel langage adressé à un ministre ne devait pas compter comme insulte individuelle ; c’était un défi au ministère, au gouvernement, au parti gouvernant, à la Gironde, une déclaration de guerre. On pouvait conjecturer que celui qui tenait un si superbe langage à l’homme de l’Assemblée, ce César allait, d’un jour à l’autre, passer le Rubicon. Les Feuillants, avant la bataille, agissaient déjà en vainqueurs. L’un d’eux, un représentant, au milieu des Tuileries, tomba à coups de bâton sur le Jacobin Grangeneuve, qui était faible et petit, peu capable de se défendre, et resta évanoui pendant trois quarts d’heure. Ce furieux frappait toujours, quand Saint-Huruge et Barbaroux se jetèrent sur lui et, à leur tour, faillirent l’étrangler.

En attendant, les Feuillants, les royalistes de Paris, venaient de faire une commande de six mille armes blanches, qui fut surprise par le juge de paix de la section de Bondy.

De partout menaçait l’orage. Et la Gironde, qui semblait mener le vaisseau de la France, n’en avait pas le gouvernail. Elle avait l’air toute-puissante et ne pouvait rien, et elle excitait l’envie, au moyen de laquelle Robespierre la démolissait chaque jour.

Roland, ministre républicain d’un roi qui se sentait chaque jour plus déplacé aux Tuileries, n’avait mis le pied dans ce lieu fatal qu’à la condition positive qu’un secrétaire, nommé ad hoc expressément, écrirait chaque jour tout au long les délibérations, les avis, pour qu’il en restât témoignage, et qu’en