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Rien n’égalait leur audace. En pleine Révolution, la vieille juridiction ecclésiastique réclamait son indépendance, agissait en souverain. Un prêtre du faubourg Saint-Antoine s’était marié ; nulle loi n’y était contraire, l’Assemblée l’avait reconnu. Il n’en fut pas moins dénoncé et poursuivi par ses supérieurs ecclésiastiques.

La force de la contre-révolution, on ne saurait trop le dire, était dans les prêtres. Dire qu’on pouvait tourner l’obstacle, c’est n’avoir aucune notion de la situation. Le clergé s’était mis partout en travers de la Révolution, pour lui barrer le passage ; elle arrivait avec la force d’une impulsion immense, d’une vitesse accumulée par l’obstacle et par les siècles, elle allait toucher cette barre, la briser ou se briser.

Le plus doux, le plus humain des hommes de la Gironde, Vergniaud, demanda un décret pour la déportation des prêtres rebelles. Roland présenta (dès avril) les arrêtés déjà portés contre eux par quarante-deux départements. Le 27 mai, le décret fut porté d’urgence : « La déportation aura lieu dans un mois, hors du royaume, si elle est demandée par vingt citoyens actifs, approuvée par le district, prononcée par le département. Le déporté aura trois livres par jour, comme frais de route, jusqu’à la frontière. »

La sanction de ce décret était la vraie pierre de touche qui allait juger le roi.

S’il accordait la sanction, son appui moral était manifestement ôté à cette grande conspiration du clergé qui couvrait la France. S’il la refusait, il restait