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ter le mouvement au profit de la royauté. La Fayette, avec son état-major, prit la tête de l’immense colonne, qui suivit docilement, de la Bastille à la place Vendôme, aux Feuillants, à l’Assemblée. La tête, comme nous l’avons vu parfois dans nos dernières émeutes, dit précisément le contraire de ce que le corps pensait[1]. Tous venaient contre le roi, et les chefs dirent à l’Assemblée que ce peuple venait jurer obéissance à la constitution, ce qui, au fond, comprenait l’obéissance au roi, partie de la constitution. Toute l’après-midi, toute la soirée, pendant plusieurs heures, cette grande foule armée défilait dans la salle, bienveillante généralement, mais d’une familiarité rude ; il y eut même des mots menaçants pour les mauvais députés.

Le 25, Thouret proposa, l’Assemblée vota : « Qu’à l’arrivée du roi, il lui serait donné une garde provisoire qui veillât à sa sûreté et répondît de sa personne… Ceux qui ont accompagné le roi seront interrogés, le roi et la reine entendus dans leurs déclarations… Le ministre de la justice continue d’apposer le sceau aux décrets, sans qu’il soit besoin de la sanction royale. »

  1. Ce qui est fort curieux, c’est que Madame Roland, qui paraît avoir assisté à la scène, mais qui sans doute était tout entière à ses vives impressions, ne voit pas l’étrange adresse avec laquelle on changea le sens de cette manifestation contre la royauté : « Ils ont crié : « Vive la loi ! vive la liberté ! f… du roi ! Vivent les bons députés ! Que les autres prennent garde à eux !… » Durant cette scène imposante dans sa triviale énergie et faite pour encourager les républicains, les Jacobins passaient leur temps en discussions pitoyables, ils admettaient d’Orléans, Chapelier… Ils improuvaient Robert, qui vantait la république… » (Lettres de Madame Roland à Bancal des Issarts, p. 252.)