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Le journaliste touche ici un point juste, vrai, profond. Et ce trait n’est pas tellement particulier au caractère de Robespierre qu’il ne s’applique aussi à bien d’autres personnages de l’époque, en des degrés différents. Avec moins de génie que plusieurs autres, moins de cœur et de bonté, Robespierre représente la suite, la continuité de la Révolution, la persévérance passionnée des Jacobins. S’il a été la plus forte personnification de la société jacobine, c’est moins encore par l’éclat du talent que comme moyenne complète, équilibrée, des qualités et défauts communs à la société, communs même à une grande partie des hommes politiques d’alors qui ne furent pas Jacobins.

Le fond, pour le formuler nettement, avec quelque dureté, et en se réservant d’en rabattre plus ou moins selon les individus, c’est qu’il leur manquait deux choses : par en haut, la science et la philosophie ; par en bas, l’instinct populaire. La philosophie qu’ils attestaient sans cesse, le peuple dont ils parlaient toujours, leur étaient fort étrangers. Ils vivaient dans une certaine moyenne, au-dessous de la première, au-dessus de l’autre. Cette moyenne était l’éloquence et la rhétorique, la stratégie révolutionnaire, la tactique des assemblées. Rien n’éloigne davantage de la haute vie de lumière qui est dans la philosophie, de la féconde et chaleureuse vie qui est dans l’instinct du peuple.

Le grand fleuve du dix-huitième siècle, coulant à pleins bords par Voltaire et Diderot, par Montesquieu