Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chevaliers du poignard ?… Pourquoi (cette accusation n’était pas la moins dangereuse), la nuit même de l’évasion du roi, on avait confié la garde des Tuileries à une compagnie soigneusement épurée par La Fayette ?

« Que venez-vous chercher ici ? Pourquoi vous réfugier dans cette salle que vos journalistes appellent un antre d’assassins ?… Et quel moment prenez-vous pour vous réconcilier ? Celui où le peuple est en droit de vous demander votre vie. Êtes-vous traître ? Êtes-vous stupide ? Dans les deux cas, vous ne pouvez plus commander. Vous aviez répondu sur votre tête que le roi ne partirait pas. Venez-vous payer votre dette ?… »

Répondre, contester, récriminer, c’eût été chauffer l’incendie. Pour y jeter de l’eau froide, Lameth fit une pastorale sur les douceurs de l’union fraternelle. La Fayette développa, sans dire un mot de la question, son radotage habituel : « Qu’il avait le premier dit : Une nation devient libre, dès lors qu’elle veut être libre », etc. Sieyès, Barnave, reprirent la thèse de la concorde ; ils en firent une adresse que Barnave rédigea. Seulement, pour contenter la fraction avancée des Jacobins, on y mit ce mot, plus accusateur que celui d’enlèvement : « Le roi, égaré, s’est éloigné… » La société fut satisfaite, car, vers les minuit, les députés sortant, Lameth et La Fayette en tête, tous les Jacobins, tous les auditeurs et spectateurs, deux ou trois mille personnes peut-être, se mirent à leur faire cortège, et cela sans exception ;