avec beaucoup de sens, prit, non en haut, ni en bas, mais des hommes jusque-là peu en lumière, des hommes spéciaux surtout : le Genevois Clavières pour les finances, Dumouriez pour les affaires étrangères, pour l’intérieur Roland. Les deux premiers étaient des gens capables, de hardis faiseurs de projets, déjà avancés dans la vie, retardés par l’injustice de l’Ancien-Régime, caractères au reste équivoques, incertains encore, et qui se jugeraient à l’épreuve. Pour Roland, il était jugé ; personne ne connaissait mieux le royaume, qu’il étudiait depuis quarante ans et comme inspecteur officiel et comme observateur philosophe. Il suffisait de le voir un moment au visage pour reconnaître le plus honnête homme de France, austère, chagrin, il est vrai, comme devait être un vieillard, citoyen sous la monarchie, qui toute sa vie avait souffert de l’ajournement de la liberté.
M. et Madame Roland étaient revenus en décembre au petit appartement de la rue Guénégaud, et, dans ce nouveau séjour à Paris, ils prenaient moins de part à la vie publique. Pétion, jusque-là le centre de leurs relations, était maintenant à l’Hôtel de Ville, tout absorbé par sa mairie. Le 21 mars, au soir, Brissot vint les trouver et leur proposer le ministère. Déjà ils avaient été pressentis là-dessus, et, malgré son âge, Roland, actif, ardent encore, avait cru qu’en un tel moment le devoir lui commandait d’accepter.
Le 23, à onze heures du soir, Brissot leur amena