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la république ; — dangereux, comme dupe, toujours prête, des royalistes, éternellement prédestinée à être trompée par eux ; — dupe de sa générosité, il y avait à parier que le roi venant de le mettre en danger de mort, La Fayette serait royaliste. Le parti Lameth et Barnave, en attendant qu’il pût reprendre le roi, avait besoin d’un entre-roi, ferme contre l’émeute et faible contre la cour. La Fayette était le seul dangereux, parce qu’il était le seul honnête, si visiblement honnête qu’à ce moment même où tout semblait l’accuser, il était populaire encore.

Donc Danton devait l’attaquer.

Il n’y avait qu’une difficulté, c’est que, de toute cette assemblée peut-être, Danton était le seul qui dût craindre de l’attaquer.

La Fayette connaissait Danton ; il savait que, trop docile aux exemples du maître, aux leçons de Mirabeau, il était en rapport avec la cour. Il n’avait pas vendu sa parole, qui évidemment ne cessa jamais d’être libre ; mais, ce qui est plus vraisemblable, c’est qu’il s’était engagé, comme bravo de l’émeute, pour une protection personnelle contre les tentatives d’assassinat, une protection analogue à celle des brigands d’Italie. Qu’avait-il reçu ? On l’ignore ; la seule chose qui semble établie (sur un témoignage croyable, quoique celui d’un ennemi), c’est qu’il venait de vendre sa charge d’avocat au Conseil, et qu’il avait reçu du ministère bien plus qu’elle ne valait. Ce secret était entre Danton, Montmorin et La Fayette ; celui-ci avait sur lui cette prise ; il pouvait l’arrêter