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avec toi !… » Cette sensibilité naïve eut plus d’effet que le discours ; ce fut une explosion de cris, de pleurs, de serments : les uns, debout, s’engagèrent à défendre Robespierre ; les autres tirèrent l’épée, se jetèrent à genoux et jurèrent qu’ils soutiendraient la devise de la société : Vivre libre ou mourir. Madame Roland, qui était présente, dit que la scène fut vraiment surprenante et pathétique.

Le jeune homme était le camarade, l’ami d’enfance de Robespierre, Desmoulins, le mobile artiste, qui, deux heures auparavant, dans un moment de confiance, serrait la main de La Fayette.

Avec tout cela, on perdait de vue le point précis de la situation, et l’ennemi allait arriver. Le discours trop général de Robespierre, l’explosion de vague sensibilité qui avait suivi, n’avançaient pas assez les choses. Danton s’en aperçut à temps, il ramena à la question, il la limita ; il sentit que, pour agir, il ne fallait frapper qu’un coup et frapper sur La Fayette[1].

Chose bizarre à dire, mais vraie, le danger était La Fayette. Il était dangereux, comme mannequin de dictature républicaine, propre à faire toujours avorter

  1. Dès le matin, Danton avait pris contre La Fayette et les autorités de la Ville la plus violente initiative : « Le 21 juin, le département allant à l’Assemblée et traversant à pied les Tuileries, un particulier injuriait M. de La Fayette, disait qu’il était un traître. Danton, mon collègue, qui marchait avec nous, escorté de quatre fusiliers, lorsque nous n’avions aucun garde, se retourna et dit au peuple d’une voix très forte, d’un air menaçant : « Vous avez raison, tous vos chefs sont des traîtres et vous trompent. » Aussitôt des cris s’élevèrent : « Vive Danton ! Danton en triomphe ! Vive notre père Danton ! » (Déposition de deux administrateurs du département. Arch. de la Seine, cart. 310.)