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tique et conjectural, mais qui pour moi n’est pas douteux, c’est que les sociétés jacobines des provinces, composées en partie d’acquéreurs de biens nationaux et influencées par eux, ne voulaient nullement la guerre. Robespierre, en la repoussant, fut leur très fidèle organe.

Distinguons entre les acquéreurs. Le paysan qui achetait quelque parcelle minime avec ses épargnes, une dot récemment reçue, ou, comme nous l’avons dit, avec les premiers fruits du bien, n’était pas embarrassé ; n’ayant pas affaire au crédit, il ne craignait point le resserrement des capitaux, il ne redoutait point la guerre.

Mais l’acquéreur en grand, le spéculateur des villes, n’achetait généralement qu’au moyen de quelque emprunt. La proposition de la guerre lui sonnait mal aux oreilles ; elle le surprenait dans une opération délicate, où, malgré les délais et le bon marché, il pouvait trouver sa ruine, si la banque tout à coup lui fermait ses coffres. Il ne faut pas demander si cet homme embarrassé se jetait aux Jacobins, il remplissait la société de sa ville de cris, de plaintes, de défiances, d’accusations de toute sorte, pour entraver le mouvement. Il ne se bornait pas à crier, il écrivait, il faisait voter, écrire, à qui ? À la société mère, aux Jacobins de Paris, au pur, à l’honnête, à l’irréprochable Robespierre. On le priait, on le chargeait d’arrêter ce funeste élan qui, dans le hasard d’une guerre, pouvait mettre la France aux mains des traîtres,